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Article sur la chasse

Loi 64 et droit constitutionnel pour les nuls!

Lettre d'un lecteur

Loi 64 et droit constitutionnel pour les nuls!

La loi 64 du registre des armes d’épaule non-restreinte est officiellement entrée en application. Et alors?

Alors voici. Bon, je ne suis pas devin et même pas diplômé en droit. Et pourtant, pour paraphraser une de ses plus ardentes défenseures, c’est même pas obligé d’être écrit dans le ciel pour que les «pogos les plus dégelés de la boite» puissent deviner la suite des choses.

 

Voyons d’abord l’essentiel de la loi fédérale. Pas de panique, ce bout là sera bref et aide à comprendre la suite qui en vaut la peine en plus de vous laisser plus en mesure de vous défendre à votre prochaine discussion avec la voisine végan, pro-registre et anti-chasseur, les deux allant d’ailleurs rarement l’un sans l’autre.

 

Primo, même le dernier des avocats qui s’y est repris à 10 fois pour passer son examen du Barreau sait que la loi C-24 sur l’abolition du registre des armes d’épaule (L.C. 2012, ch. 6) a modifié le paragraphe 91 du code criminel pour abolir le registre des armes fédéral, et ce pour tous les canadiens. Dorénavant, « Dès le premier jour où l’article 27 de l’autre loi et l’article 16 de la présente loi sont tous deux en vigueur, l’alinéa 35.1(1)b) de la Loi sur les armes à feu est remplacé par ce qui suit… » bon allez chercher un crayon fluo et surlignez ce qui suit c’est important: un propriétaire d’arme canadien n’est tenu seulement de produire « un permis l’autorisant à acquérir et à posséder une telle arme à feu.  On a compris ici qu’il est question du Permis d’Acquisition d’Arme à Feu que tout propriétaire est obligé d’avoir et que personne ne remet en question.

 

Secondo, ce même avocat a aussi appris, non pas en fac de droit mais dès son CEGEP, que le Code Criminel est sous juridiction fédérale et non pas provinciale (Loi de 1867 sur l'Amérique du Nord britannique, VI. Répartition des compétences législatives). Alors pour résumer, la province de Québec outrepasse ses droits quand elle vient mettre son 5 cents entre les articles du Code Criminel et tenter d’y insérer qu’un québécois lui, devra en plus enregistrer ses armes sous peine d’amendes allant de 500$ à 5000$. Vous n’êtes pas d’accord? Ok mais à défaut d’avoir mit un X à côté de la case « OUI » en 1995, nous sommes toujours une province tenue par cette loi qui demeure la base de notre constitution.

 

Et il ne faut pas se leurrer en croyant qu'une province qui applique des amendes sur l'enregistrement des armes tout en affirmant qu'elle le fait en dehors du Code Criminel, puisse «étirer l'élastique » juste assez pour que la cour ne puisse y voir que du feu. Le subterfuge est trop grossier et ne passera pas. Il y a armes à feu et armes à feu et j'explique ici une nuance importante.

Quand par exemple une province passe une loi qui interdit de circuler dans une réserve faunique avec une arme chargée, pas de problème car son but est de protéger la faune et demeure ainsi dans son domaine de compétence.

Par contre, quand la même province passe une loi sur les armes à feu afin d'empêcher des actes criminels, là le but est de protéger le public (ce qui est l'esprit de la loi 64), elle outrepasse ses droits. Ce rôle appartient au fédéral et pas au sien.  Très différent.

 Alors il ne faudrait pas prendre les juges pour des tartes car eux savent faire la différence. Car quand la cour doit juger sur un litige de champ de compétence, ce qu’ils évaluent au dessus de tout n’est pas autant  le texte de la loi elle-même mais plutôt son intention.

 

Là dessus j’aimerais insérer une petite parenthèse assez divertissante, et c’est le mémoire plutôt comique mais plein de grâce préparé par le Barreau du Québec et qui commence d’abord par salué la loi 64 (juste à « googler » pour tomber dessus).  Ensuite, pour ne froisser personne, le mémoire y va élégamment avec des bémols avec un style qui s’apparente au patinage de fantaisie et suffirait à faire crever de jalousie Joannie Rochette. Parce qu’après la gentille petite intro de circonstance, pour ne pas être tenus responsables des décisions foireuse de leur client suite à de mauvais conseil de leur part, comme professionnels ils ont l’obligation de les informer qu’ils font fausse route.  Et c’est là ça devient une beauté de le lire car ils y vont de commentaires légaux, à la fois louvoyant et subtils du genre (je vais traduire bien sûr):

• « La lecture des articles 2 à 8 est complexe » Traduction: c’est de l’hébreux, on est avocat et on n’y comprend rien, alors imaginez les pauvres policiers;

• Comme on ne peut savoir si l’arme est nouvelle ou si son numéro qui y a été ajouté ensuite provient de l’ancien registre fédéral, ils recommandent de graver en plus «numéro unique à côté » (et allons-y gaiement avec le burin sur le Holland & Holland de 50 000$).

Attendez, ne vous levez pas trop vite, c’était juste l’entrée. Le plat principal suit.

• On rajoute cette perle « Nous croyons qu’il serait plus efficace de distinguer la procédure à suivre par le propriétaire selon qu’il détienne une arme avec un numéro d’arme unique ou non ». Moi aussi je l’ai relu 3 fois alors faites vous en pas si vous saignez des yeux et lisant, c’est normal. Il suffira juste de rajouter une session de plus en Technique Policières pour que nos futurs policiers puissent aussi y comprendre quelque chose;

• Ensuite, comme la loi dit qu’un agent de la paix « peut en outre requérir de cette personne (le propriétaire de l’arme) qu’elle lui communique tout autre renseignement pertinent à l’identification de l’arme et de son propriétaire», le Barreau ajoute que « cette disposition accorde d’importants pouvoirs qui méritent d’être balisés. En effet, aucun critère objectif d’exercice n’est prévu dans le projet de loi, de sorte que des erreurs et excès pourraient survenir dans la pratique ». Traduction: c’est tellement tout croche, et tellement ambiguë que ça ouvre la porte à des abus de pouvoir de toutes sortes.
• Et on termine avec le dessert qui est d’une finesse « Le Barreau considère que le projet de loi répond à des préoccupations relatives à la prévention de la criminalité » (qui est contre la vertu?) et suggère en quelques sortes de revoir les points tels que 1.« la définition d’arme à feu », 2.« le processus d’immatriculation des armes » et 3.« les pouvoirs accordés aux agents de la paix». On s’entend que tant qu’à revoir ces points, aussi bien revoir la loi au grand complet. Évidemment s’ils avaient écrit ça au début de leur mémoire, on aurait eu une demi-page au lieu de sept mais bon, les avocats facturent à l’heure et non à la job.

Pour résumer, un mémoire de 7 pages auquel il aurait fallu lire entre les ligne « good try, nous aussi on trouve déplorables les tueries de la Poly et de la mosquée de Québec, mais de toute évidence vous avez écrit cette loi sur un essuie-tout à un coin de table du restaurant parlementaire et c’est malheureusement inapplicable. Mais c’est pas grave, on sais que ça ne vous arrêtera pas de le mettre en vigueur alors vous nous appelez quand vous voulez, nos tarifs commencent à 300$ de l’heure pour un avocat junior».  Mais là le mémoire était même trop subtil et nos brillants libéraux, démagogues comme à leur habitude, ont cru qu’on les félicitait et se sont empressé de conclure que "voyez, même le Barreau est d'accord avec nous".

Alors, si le dernier des avocats sait tout ça, on s’entendra pour dire qu’au gouvernement on le sait aussi n'est-ce pas? Conséquemment, ceux qui ont refusé d’enregistré leurs armes se croient peut-être alors exemptés de le faire? Pas si vite mon Kiki, oui et non. Pour bien comprendre, voici d’abord le «Big Picture» et toute la « m… » qui s’en vient:

 

1. Les libéraux de Québec qui ont passé cette loi savaient bien qu’elle était légalement inapplicable. Nan? Sérieux? Vous ne pensiez tout de même pas qu’ils l’ont passé en pensant protéger la population? Non mais si vous n’avez pas appris après quinze années de régime libéral qu’ils s’en contrecâli… comme de leur première bavette du bien public (désolé mais la langue française n’a pas de terme assez juste pour exprimer combien ils s’en battent les couilles) alors c’est que soit vous ne lisez pas les journaux ou alors qu’on vous conserve dans un bocal de formol au musée Redpath depuis 2003. Leur base électorale c’est les villes, alors que les chasseurs c’est les régions et les élections approchaient. Alors pourquoi ne pas faire le pari se faire du capital politique avec la FFQ et Poly-se-souvient tout en coupant l’herbe sous le pied de Québec Solidaire? Tiens-tiens, des petits smartes!

2. La CAQ aussi le savait, mais eux se sont dit au-début qu’ils n'ont rien à perdre à voter pour, au fond tellement certains qu’ils étaient à ce moment en regardant les sondages qu’ils allaient encore être dans l’opposition quand la loi serait appliquée. Maintenant au pouvoir, ils se retrouvent un peu comme les culottes baissées et le cul assis entre deux chaises, ne sachant plus trop s’ils doivent écouter les régions qui les ont élus, ou le petit sondage que Poly-se-souvient ont eux-mêmes commandé et leur a ramené sous le nez pour être bien certain qu’ils n’oublient pas eux aussi. Alors la CAQ feront ce que tout bon politicien fait dans pareil cas « when the shit hits the fan » (quand le de sceau de schnoutte tombe dans le ventilateur), on se couche, on ne bouge plus et on attend que ça passe. Au pire on dira que ce n’était pas notre idée mais celle des libéraux. La CAQ aussi sont des petits smartes et eux aussi la devinent la suite.

3. La suite sera d’abord que dès les premières semaines de l’application de la loi 64, soit un des premiers propriétaires d’armes qui a refusé de l’enregistrer se fera mettre à l’amende et sera supporté par une association de chasseurs et d’avocat gagnés à cette cause et qui se feront un plaisir féroce de la contester en cour ou soient ils n’attendront pas et prendront les devants. Peu importe, comme la loi est pleine de trous, inapplicable et inéquitable (comment on fait pour faire une perquisition sans mandat, et pourquoi la loi n’est pas applicable pour un autochtone résident du Québec, un militaire en civil ou un ontarien?), et bien on va probablement aller jusqu’en cour Supérieure d’abord (et là tu viens de comprendre la raison des félicitations du Barreau d’en haut hein?).

4. La Barreau l’a dit, la loi est pleine de trous. Eh bien croyez-le ou non, mais ce sont ces mêmes trous légaux (les leurs en plus) et vos taxes qui vont permettre aux avocats du gouvernement (donc vos avocats) d’avoir le droit d’aller en appel. Bon là 3 ans s'est passé et on est en 2021-22, à la veille des prochaines élections. Vous ne croyez tout de même pas qu’on va admettre « on s’excuse, on s’est trompé et on vous a fait gaspiller de l’argent et comme c’est perdu d’avance on arrête ça drette là? ». Si votre réponse est oui, c’est alors que vous souffrez d’optimisme chronique (ce qui au fond est bien si vous êtes motivateur, mais pas trop si vous êtes pilote d’avion ou gestionnaire de portefeuille). Et comment qu’on va y aller en appel, et au petit trot avec ça avec un Legault dans son armure étincelante de preux chevalier, avec à son bras comme porte-étendard notre même Jeanne-d'Arc version Québec Solidaire de tantôt. Rappel : on veut gagner du temps et des élections, pas un procès.

 

5. Ensuite, après une défaite en cour d’appel, dans le plusse meilleur des mondes, l’idéal serait qu’on ne tente pas d’aller jusqu'en cour Suprême. Là on comprendra la différence entre la persévérance et l’obstination car ce sera sans compter sur les groupes pro-registre qui continueront à faire pression.  Car si le passé est garant de l'avenir et que ces derniers n’ont  toujours pas appris à faire la différence entre un chasseur de canards avec un bon vieux 12 et un Bissonnette fou furieux et armé d'un CZ-858 d’assaut, ça m’étonnerait que ça change d’ici l’élection de 2025.  Alors en avant pour la cour Suprême.

 

6. Vingt années plus tard et après des centaines de millions de dollars gaspillés pour les frais légaux et le maintiens des salaires de centaines de fonctionnaires et bureaux nécessaires au maintien du registre, la cour Suprême va finalement trancher:

a. La loi 64 est inconstitutionnelle car elle empiète dans une juridiction qui n’est pas la sienne;

b. La loi 64 est injuste car elle ne punit que les citoyens du Québec pour un acte qui n’est pas criminel;

c. La loi 64 est inéquitable et discriminatoire car elle ne s’applique et ne vise qu’à punir que les citoyens du Québec et uniquement sur son propre territoire.

 

Les pros-registres eux aussi savent tout ça.  Mais ils espèrent aussi que le miracle va se produire et que ça pourrait influencer le fédéral à remettre à nouveau en vigueur un registre.  Autant croire à la fée des dents.

Les libéraux fédéraux sont prêts à faire de pirouettes par en arrière pour aller chercher des votes de l’Ouest et là-bas, un abonnement à la version made in Canada de la NRA et plus bienvenu qu'un registre des armes d’épaule. Alors entendons nous bien que les libéraux fédéraux, qui se font encore après vingt ans mettre sur le nez l’ancien registre, ne sont surtout pas pressés de le remettre en vigueur. Tout au plus notre Justin national va-il peut-être aller verser une petite larme pour la galerie de la presse sur les monuments des victimes des deux dernières tueries. Quand aux conservateurs on n’en parle pas puisque ce sont eux qui l’ont abolie.

 

Finalement on s’entend tous sur une même chose, ces tueries (Polytechnique, collège Dawson, mosquée de Québec, Toronto) que nous avons vécus nous ont tous profondément blessé et marqué. Notre passé n’est pas guerrier et notre culture des armes est très différente de celle de nos voisins du Sud.  Nos ancêtres ont toujours vu une arme comme un outil de subsistance et non comme un moyen de faire la guerre.  Et à la différence de nos voisins américains, nous ne croyons pas que d’armer des brigadiers d'école et des dames du dîner soit la solution. Nous voulons tous une société sécuritaire et croyons qu’un support à personnes souffrantes de maladies mentales est la  solution peut-être plus couteuse mais plus efficace. Car s’il est un dénominateur commun à toutes les tueries, ce ne sont pas les armes ou les véhicules qui ont été utilisés pour les commettre mais justement la détresse psychologique de leurs auteurs.

 

Pour conclure, je ne veux pas dire quoi faire aux propriétaires d’armes mais à tout le moins, si vous deviez payer une amende pour avoir refusé d’enregistrer vos armes, sachez que vous finirez probablement par être remboursé mais dans un sacré bout de temps. Car on aura compris que ce qui viendra à bout de ce registre, ce n’est pas la raison, mais le temps et surtout beaucoup d’argent.


Richard St-Louis, Gatineau

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