Pronature - Circulaire du 28 octobre au 10 novembre 2024
SUCCÈS DE CHASSE DANS LES DORTOIRS

SUCCÈS DE CHASSE DANS LES DORTOIRS

23 octobre 2024

Charles Henri Doris

J’ENTENDAIS le claquement de chaque goutte de pluie qui tombait sur la couverture de tôle. J’étais caché dans une vieille cabane à sucre abandonnée et pratiquement effondrée depuis une heure et
demie quand un bruit discret me ramena à l’ordre. À moins de 20 m de ma position, j’aperçus un mâle mature qui se faufilait à travers l’épais fourré du
couvert de repos dans lequel je me trouvais .Retenant ma respiration et effectuant chaque mouvement avec une extrême lenteur, j’amenai
mon arc en position de tir. Je savais déjà que ma seule occasion de tir ne se présenterait que si l’animal passait devant l’ouverture carrée de quelque

40 cm de côté dont je disposais.

 Il décida tout d’abord de contourner le site pour vérifier les odeurs, et au bout de 20 interminables minutes il commit la dernière erreur de sa vie. Au moment où il s’apprêtait à déguster une pomme bien juteuse, ma flèche lui transperça les deux poumons. Une distance de seulement 13 m nous séparait !Oui, je chassais carrément dans une zone de repos, et j’ajouterais même qu’il s’agissait d’un dortoir de mâles. Cela répond à la question que plusieurs se posent, soit si on peut chasser directement dans les zones de repos. Même si plusieurs experts de la chasse au chevreuil déconseillent de procéder ainsi, de mon côté je prône une tout autre approche.

Par contre, il m’apparaît impératif d’avoir bien analysé la situation au préalable et d’attendre les bons moments pour se mettre en chasse. Comme je l’explique lors de mes séances de formation, la chasse au chevreuil est en grande partie une question de probabilités statistiques. Plus elles sont élevées, plus on a des possibilités de récolter le mâle tant convoité. Mais en même temps, si on veut accroître ses probabilités, il faut aussi augmenter ses chances, exactement comme un joueur de loterie. On doit donc commencer par analyser le secteur, étudier ses approches et ses façons d’y accéder, et surtout considérer les conditions météo les plus propices. 

Et de grâce, il ne faut jamais se priver complètement d’exploiter un secteur de repos de mâles. Après tout, c’est bien là qu’ils passent près de 75 % de leur temps pendant le jour. L’exemple mentionné en début d’article s’est déroulé en 2007. J’ai réussi à tromper n mâle pourtant aguerri de 195 lb (éviscéré) à l’aide d’un appât. Je me sers souvent de l’exemple suivant pour illustrer mon raisonnement sur la chasse avec appât directement dans une zone de repos. Un homme de 40 ans ayant fumé la cigarette depuis plus de 20 ans cesse de fumer du jour au lendemain.

 Si son épouse dépose un paquet de cigarettes sur la table de cuisine pendant que l’homme est dans la maison, celui-ci pensera aux cigarettes sur la table pendant toute la journée et finira peut-être par succomber. Par contre, s’il doit parcourir 3 km pour se rendre au dépanneur le plus près, cela risque beaucoup moins de se produire. C’est exactement comme ça que j’ai réussi à déjouer le buck en question. Si un appât se trouve à 600 m de la position du cerf pendant les heures de chasse, celui-ci ne s’en approchera qu’une fois la nuit venue, mais sila tentation se manifeste tout près de lui pendant le jour…

Un appât présenté directement dans un dortoir peut constituer une stratégie gagnante, mais il faut absolument respecter certaines conditions. Je recommande de l’utiliser surtout lors des derniers jours de votre chasse ou dans le cas où vous disposez de plusieurs sites, car si vous perturbez trop fortement le seul secteur de repos qui vous soit accessible, vous risquez de voir les mâles modifier leurs habitudes. La première condition essentielle à respecter est d’éviter d’y chasser par journée de température stable. J’entends par température stable, des journées sans vent, avec pression barométrique stable et temps sec. Dans ces conditions, le risque de contaminer le site avec votre odeur corporelle est trop élevé. Il faut absolument résister à la tentation d’y chasser, même si vos appareils de détection vous révèlent la présence de sujets intéressants durant le jour.

Ne prenez jamais cet avertissement à la légère ,car même si le buck de vos rêves s’y est présenté durant les heures de chasse, rien ne dit qu’il l’aurait fait si vous aviez été sur place. Une seule séance d’affût au mauvais moment peut ruiner tous les effort s investis dans l’analyse de ce secteur et le développement d’une stratégie adaptée .Les meilleurs moments pour chasser directement dans le secteur de repos sont les suivants. Noter qu’ils ne sont pas énumérés par ordre d’importance ,car cela dépend du contexte particulier de chaque habitat.

LES JOURNÉES DE FORTE PLUIE

On sait que lorsqu’il pleut très fort, les cerfs réduisent habituellement leurs déplacements ,si bien qu’ils sont plus portés à manger à l’intérieur même de leurs couverts de repos .Il est donc très logique de chercher à exploiter un dortoir durant une journée de pluie intense ou relativement forte. Ces conditions comportent aussi l’avantage de rendre vos odeurs plus difficiles à détecter par les cerfs ,à cause de l’extrême humidité ambiante et des vents souvent forts. Ajoutons que l’animal ne pourra guère vous entendre arriver. Cela constitue une combinaison gagnante pour récolter un cerf adulte à toute heure du jour.

Si bien qu’ils sont plus portés à manger à l’intérieur même de leurs couverts de repos. Il est donc très logique de chercher à exploiter un dortoir durant une journée de pluie intense ou relativement forte. Ces conditions comportent aussi l’avantage de rendre vos odeurs plus difficiles à détecter par les cerfs, à cause de l’extrême humidité ambiante et des vents souvent forts. Ajoutons que l’animal ne pourra guère vous entendre arriver. Cela constitue une combinaison gagnante pour récolter un cerf adulte à toute heure du jour.

LES JOURNÉES DE VENT CONSTANT

Chaque jour où le vent est omniprésent et constant représente une bénédiction pour tout chasseur de chevreuil. Peu importe la stratégie adoptée, ces journées sont les plus productives de toutes. Un vent provenant de la même direction pendant toute la journée vous procure immédiatement l’information nécessaire pour choisir la façon d’aborder les secteur de repos choisi. Bien entendu, une prospection préalable vous aura permis d’établir où se tiennent les mâles à l’intérieur de ce même secteur. Un raisonnement simple à adopter serait de considérer votre poste d’affût comme point de départ du vent, ce qui vous permettrait facilement de déterminer la direction de vent qui sera propice pour y chasser.

Si vous décidez d’exploiter le secteur de repos le matin, vous devez éviter de chasser lorsque le vent souffle dans la direction d’où les mâles sont susceptibles de revenir deleurs secteurs nourriciers. Cela souligne toute l’importance d’avoir effectué une bonne prospection et une analyse préalable du terrain. Toutefois, il m’arrive parfois de jouer le tout pour le tout et de chasser en fonction d’un vent favorable pour leur arrivée matinale, ensachant très bien qu’une fois passés mon secteur immédiat ils pourront me sentir, mais qui ne risque rien n’a rien.

L’IMPORTANCE D’ÊTRE MATINAL

La plupart du temps, les mâles ne sont pas pressés de retourner dans leur dortoir le matin. Au moins une heure de clarté s’écoule souvent avant qu’ils y parviennent pour passer la journée. Prenant leur temps, ils ont tout le loisir de bien analyser le terrain. Pour la chasse du matin, on doit donc se présenter bien avant eux, pour que l’environnement ait le temps de retrouver sa quiétude avant leur arrivée. Il ne faut surtout pas croiser leurs sentiers d’accès lors de l’approche. Justement durant cette heure où les mâles ne sont pas pressés d’arriver au dortoir, ils effectuent souvent des frottages en s’y rendant.

 On peut donc aisément établir leur provenance en trouvant les sentiers marqués par les frottages. Ceux-ci vous indiquent si les cerfs y arrivent le matin ou le soir, toujours en interprétant le tout en fonction des sites nourriciers. Dans le cas d’un sentier qui sert d’accès matinal, j’y arriverai en direction contraire bien avant le lever du jour. Ne sous-estimez surtout pas l’odorat des chevreuils. Le simple fait de laisser une odeur de pas suffit à faire dévier de leur chemin la plupart des mâles de 2 1/2 ans et plus. Je suis aussi d’avis que pour chasser efficacement dans les secteurs de repos, il faut être prêt à y demeurer à l’affût pendant toute la journée. Dans un dortoir, il n’y a pas d’heure morte, car un buck peut déboucher devant vous à tout moment.

Si vous décidez de vous concentrer sur la passe de l’après-midi, assurez-vous de ne pas déranger les cerfs présents. Pour y parvenir, les journées de mauvais temps sont particulièrement favorables. L’autre aspect qui ne joue pas en faveur du chasseur est le fait que la température atmosphérique descend beaucoup à l’approche de la nuit, envoyant vers le sol ses odeurs corporelles .Pour contrer cela, en fin de journée je recommande de chasser au sol, car la dispersion des odeurs y sera moindre que si vous étiez installé en hauteur. Aucun poste d’affût ou cache n’est nécessaire pour surprendre un mâle dans sa cachette, un simple arbre renversé ou tout autre écran naturel suffit. L’objectif est justement de le surprendre dans son repaire.

BONNE PRÉPARATION

Voici quelques conseils de prospection et des aménagements qui vous aideront à chasser dans un dortoir sans bouleverser le site. Idéalement, on prospecte immédiatement après la saison de chasse en prévision de la suivante. Toutefois, il est aussi possible de faire ses recherches en été, et dans ce cas je choisis des journées pluvieuses ou du moins ui incluent quelques heures de fortes averses. Il est important que mes odeurs soient délavées le plus tôt possible après la prospection. L’installation de postes d’affût portables devrait s’effectuer dans les mêmes conditions. Si vous connaissez déjà les sites d’embuscade prévus, je vous recommande de les aménager au printemps, dès que vous avez accès au terrain. À ce moment, les mâles locaux n’étant probablement pas encore revenus à leur routine estivale, vous risquerez moins de les alarmer.

S’il y a des branches ou arbres à couper pour aménager des lignes de tir, je vous conseille d’aller effectuer ces travaux en hiver. Rien de tel qu’une sortie en raquettes pour rester en forme, mais pourquoi les réaliser à cette période? C’est que la grande majorité des cerfs ont quitté leurs secteurs automnaux après l’arrivée de la saison froide et se sont réfugiés dans les ravages, où ils ne seront aucunement perturbés par vos travaux.

Pour aménager un sentier d’accès à votre affût, je recommande la même approche que pour les lignes de tir, en y ajoutant les conseils suivants. En premier lieu, ne tracez jamais cette voie en ligne droite, faites lui plutôt suivre un parcours irrégulier. Il sera aussi important de choisir une journée de météo exécrable à plus ou moins un mois de l’ouverture pour aller vérifier que le sentier est encore dégagé, car le vent y fait souvent tomber des branches et des arbres morts.

Au risque de vous étonner, comme dernier conseil je vous recommande fortement de vous exercer à vous rendre jusqu’à l’affût. Je ne me souviens plus du nombre de fois où j’ai planifié une telle stratégie et où je me suis retrouvé à devoir chercher mon foutu sentier à la noirceur le matin du jour J. Bien sûr, ce sentier se parcourt à merveille quand il fait clair, mais en pleine nuit et parfois même avec une lampe frontale, on peut aisément perdre son chemin. En s’enfonçant dans un boisé dense, on fait beaucoup de bruit tout autour, et en quittant le sentier on risque fort de dévier et de ne pas respecter la stratégie d’approche. En plus, cela mène souvent à croiser et à contaminer des sentiers de cerfs qu’il aurait fallu à tout prix éviter.

Les golfeurs ,les archers et même les pêcheurs professionnels s’exercent, alors pourquoi pas vous? Débutez votre entraînement par une nuit de pleine lune, et vous verrez qu’avec un peu de pratique votre cerveau enregistrera votre parcours plus vite que vous ne le croyez. N’ayez crainte de déranger les cerfs, car comme vous avez identifié cet endroit comme site de repos diurne ,ils seront alors dans leurs secteurs nourriciers. Profitant du fait que «mes» chevreuils étaient aux champs, j’ai souvent installé des miradors portables en pleine nuit pour pouvoir facilement les attendre le lendemain matin.

LES APPÂTS DANS TOUT ÇA

Plusieurs stratégies peuvent être mises en place dans un secteur de repos. L’emploi de leurres olfactifs etl es appels font partie des possibilités, mais si, comme en début d’article, on a recours aux pommes, l’approche adoptée pour le ravitaillement s’avère déterminante. Comme le  dortoire l’endroit où les chevreuils passent le plus de temps pendant le jour,il est impossible d’y pénétrer régulièrement de clarté sans risquer de les alerter. En toute logique ,j’y vais donc la nuit .Les mâles sont partis dans leurs sites nourriciers, alors je peux entrer chez eux à leur insu.

Durant les dernières saisons, les appareils de détection m’ont confirmé qu’un dortoir alimenté avec un appât recevra cinq fois plus de visites diurnes que nocturnes. Si possible, on utilise un appareil de détection muni d’un module récepteur pouvant être installé à distance et permettant de regarder les photos jusqu’à 150 m de l’endroit où elles ont été prises, dans le dortoir .Je dispose même d’un site de repos que les mâles fréquentent seulement durant la journée. Mon fils ainsi que le fils de mon partenaire y ont prélevé chacun leur buck en deux soirs de chasse consécutifs lors de l’automne 2012. Il vaut mieux se limiter à un ravitaillement par semaine, alors on doit veiller à laisser la quantité d’appâts requise pour les attirer durant cette période.

NE NÉGLIGEZ AUCUN SITEDE REPOS POTENTIEL

Dans chaque région et même chaque secteur, il existe toujours des sanctuaires naturels qui servent de sites de repos ou de cachettes en cas d’urgence. Après les premiers jours de la saison de chasse, les cerfs expérimentés ont déjà modifié leurs habitudes. Parfois, ils changent même de secteur de repos si la pression environnante y est trop omniprésente. Je cherche donc un endroit où les chasseurs ne peuvent ou ne veulent pas aller, comme les zones humides marécageuses où les herbages denses camouflent tout le paysage, les bûchés de quelques années non débroussaillés ou les plantations relativement jeunes. Des terrains commerciaux tout près des centre sur bains peuvent parfois accueillir un nombre impressionnant de cerfs quand la chasse à l’arme à feu bat son plein.

Certains de ces fameux terrains comportent très peu d’arbres, mais ils sont recouverts d’une végétation arbustive des plus denses. Si ce type de couvert existe dans votre secteur, je vous invite à aller y jeter un coup d’œil. Vous serez probablement surpris par la quantité de frottages qui s’y trouve. Dans ces sanctuaires improvisés, vous pourriez réaliser votre plus beau tableau de chasse à vie.


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