Circulaire Pronature - 30 septembre au 13 octobre 2024
L’ATTRAIT DE  LA NOUVEAUTÉ  NUTRITIONNELLE

L’ATTRAIT DE LA NOUVEAUTÉ NUTRITIONNELLE

17 septembre 2024

Charles Henri Doris

Je me souviendrai toujours de l’odeur des bons repas que ma mère nous préparait dans ma jeunesse, particulièrement l’odeur que je percevais alors que je revenais à pied de l’école primaire. L’école était à 1,8 km de notre maison. À cette époque, cette distance donnait à nos courtes jambes l’impression d’une très longue marche, mais je me souviens particulièrement de l’odeur qui parfois flottait dans l’air à mon arrivée au coin de la rue. Lorsque ma mère cuisinait des repas qui demandaient beaucoup de temps de préparation, il arrivait souvent que le ventilateur au-dessus de la cuisinière rejetait les odeurs à l’extérieur de la maison. Si le vent soufflait vers la direction d’où nous arrivions de l’école, il n’était pas rare de ressentir déjà la faim et de savoir dès le coin de la rue si le dîner allait nous plaire ou non.

Les humains sont en mesure de détecter des odeurs de cuisson à l’extérieur, et même d’être aptes à savoir quel sera le plat servi au souper. Or, les ours possèdent un odorat peut-être cent fois supérieur au nôtre. Je chasse l’ours depuis 25 ans et je guide des chasseurs d’ours depuis plus de 10 ans et mon taux de succès est de 100%. Nos prises ne représentent évidemment pas tous des trophées, mais alors que les gros ours plus nordiques ne connaissent pas beaucoup l’homme et ne le craignent guère, un tel succès de réussite sur des sujets méfiants qui évoluent près de la civilisation représente une bonne moyenne.

L’utilisation des appâts

Comme la plupart des autres guides ou chasseurs, j’utilise des appâts et ce sont souvent des pâtisseries déclassées. J’utilise aussi des bombes d’odeurs à base de poulet mort ou des restes de poissons, ces bombes d’odeurs servant à faire connaître aux ours d’un secteur l’emplacement de mes sites sur de longues distances.

Au printemps, les ours sont réceptifs aux odeurs de putréfaction. Plusieurs animaux petits et gros meurent au cours de l’hiver et les odeurs que leurs cadavres en décomposition dégagent attirent les ours de très loin. Toutefois, même s’ils sont attirés par les odeurs d’animaux morts, en début de période de nutrition, les ours mangent très peu de viande et doivent ingérer beaucoup de plantes herbeuses afin de se purger. Les bombes d’odeurs sont également excellentes pour attirer les ursidés sur de longues distances, mais une fois que mes sites ont étés découverts, ils ne doivent en aucun temps manquer d’appâts facilement digestibles. Voilà en gros pourquoi j’utilise des appâts de type pâtisseries.

Lorsque je m’occupe de plus de 12 à14 sites pour mes clients, je peux avoir à composer avec deux différents problèmes particuliers. Sur sites, il arrive qu’un seul ours assure la fréquentation, un problème que je rencontre souvent en début de saison et particulièrement lors des printemps tardifs. Lorsqu’il y a peu de compétition ,l’ours solitaire sait qu’il est le seul à fréquenter le site, il est en confiance et peut se permettre de visiter le site quand il le veut. Dans ces occasions, il arrive même fréquemment que l’ours n’y vienne que de nuit. Le deuxième problème survient quand les ours visiteurs ne mangent pas encore à plein régime. Dans ces conditions, ils se couchent souvent à proximité de mes sites mais n’ont pas l’intention d’y venir manger avant d’avoir bien digéré. certains. Lorsque je constate l’un ou l’autre de ces problèmes et que je sais que je devrai utiliser ce site pour y chasser, j’ajuste l’offre alimentaire la veille de l’arrivée de mon client chasseur. À ce moment, j’utilise une nouveauté nutritionnelle hautement odoriférante, mais cette nouvelle source de nourriture doit surtout goûter ce que son odeur dégage .Je m’explique: il y a des aliments qui goûtent ce que leur odeur dégage, mais d’autres aliments ne sentent que très peu, ce qui n’est nullement annonciateur de leur goût. Les ours reconnaissent facilement les odeurs des gâteries goûteuses que je leur offre.

Extrait de vanille et sirop d’érable

L’extrait de vanille liquide est très odoriférant. Cependant, peu d’aliments goûtent fortement la vanille. En magasin de grande surface, la vanille liquide se vend en bonne quantité à des prix très bas. La veille de l’arrivée d’un client chasseur, il m’arrive d’imbiber le contenu d’un baril d’appât avec deux litres de vanille. Les ours y viennent se gaver littéralement des gâteries agrémentées de cette nouvelle odeur au goût sucré.

Lorsque j’installe un chasseur sur place le lendemain, j’imbibe des morceaux de tissu avec de la vanille liquide que j’accroche sur de petits arbres à une hauteur de cinq pieds du sol. Les réactions sont souvent très rapides et il n’est pas rare qu’un ours sorte et vienne sentir l’odeur de plus près dans la première heure qui suit la mise en place. J’aime beaucoup l’odeur de vanille que je perçois moi-même comme une odeur très prononcée.

Mais j’utilise également de nouvelles sources d’odeur et de goût telles que le sirop d’érable. J’ai des amis acériculteurs de qui je réussis à obtenir du sirop de sève produit en fin de saison des sucres. Des acériculteurs s’en servent pour la transformation, mais d’autres ne l’utilisent pas. Certains d’entre eux ne perçoivent pas à temps la fin de la période de production de sirop de qualité et produisent alors une forte quantité de sirop de sève. Ils se retrouvent ainsi avec un sirop qui se vend souvent à des prix dérisoires.

Même si pour nous l’odeur du sirop d’érable est difficile à percevoir de loin, il ne semble pas en être de même pour les ours. J’ai même remarqué que les ours qui fréquentent mes sites semblent préférer nettement les pâtisseries imbibées de sirop d’érable à celles imbibées d’extrait de vanille ou même de miel. J’ai déjà eu la chance de mettre la main sur deux barils de 45 gallons de miel du Brésil déclassé, et même si les ours sont reconnus pour aimer le miel, ils m’ont clairement démontré qu’ils préféraient le sirop d’érable.

Deux exemples vécus

Fait intéressant, en 2012, après que j’eus imbibé mes croissants au beurre de quatre gallons de sirop d’érable, j’ai récolté un ours de 325 lb qui était venu faire 13 visites à mon site en 24 heures. Une de ces visites fut celle de trop pour lui!

Deux ans plus tôt, au même site de chasse, j’avais de la difficulté à y attirer un ours de forte taille. Ce dernier m’évitait à chacune de mes séances d’affût; si j’y allais le soir, il y venait de nuit et le matin et vice versa. Après cinq jours consécutifs de ce stratagème, j’ai décidé d’essayer les bâtonnets d’encens à odeur de bacon et j’en ai fait brûler deux en même temps. À 20 h 10, j’ai vu l’ours de 238 lb arriver, alors que la fumée d’encens se dirigeait directement vers lui et il levait la tête pour bien humer l’odeur attrayante. Cette bête rusée devait très bien savoir que j’étais sur place, mais n’a tout simplement pas pu résister à cette nouvelle odeur hautement stimulante.

En passant, cet ours portait dans son dos une pointe de vireton provenant d’un tir d’arbalétrier inconnu survenu quelques jours avant que je le récolte. Les deux ours mentionnés dans les lignes précédentes évoluaient dans la région de Trois-Rivières sous des pressions de chasse à l’ours très fortes.

Les nouvelles odeurs sur un site de chasse

J’ignore d’où vient la croyance qu’il ne faut pas arriver à la chasse à l’ours en apportant une nouvelle odeur. J’ai souvent entendu cette affirmation, mais étant de nature curieuse, j’ai toujours fait le contraire afin de me faire ma propre idée. Après 25 ans de chasse à l’ours et près de 30 ans de chasse aux gros gibiers, j’en suis venu à la conclusion que tous les gros gibiers aiment la diversité nutritionnelle. Peu importe quelle nouvelle odeur j’ai essayée dans l’ensemble de ma démarche d’apprentissage, aucune n’a semblé nuire à mon succès. Mais une chose est certaine pour moi aujourd’hui, jamais je n’arrêterai de les stimuler avec de nouvelles odeurs nutritionnelles. Pourquoi se priver de la faiblesse qu’ils semblent tous posséder ?


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