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L’auteur avec un superbe animal qu’il a réussi à récolter pendant une période de nutrition active.

Meilleures périodes de chasse pour gros spécimens

1 mai 2022

Après des années d’expérience à chasser l’ours noir dans plusieurs régions du Québec, l’auteur réussit à répondre à l’une des questions les plus souvent posées par les chasseurs d’ici.

J’ai l’avantage de guider les chasseurs d’ours dans une très grande pourvoirie. J’ai ainsi l’opportunité d’apprendre sur des facettes de cette chasse que peu de chasseurs ont la chance d’expérimenter durant leur vie. Bon an mal an, j’entretiens entre 12 et 14 sites de chasse chaque printemps et j’installe plus d’une caméra de détection sur chaque site. Cette utilisation de plusieurs caméras me permet de tirer des conclusions tangibles plutôt que de devoir me baser sur des hypothèses non vérifiables. Après plusieurs années d’étude du comportement de l’ours au printemps, j’en suis venu à des conclusions fiables que je viens présenter dans cet article.

De nos jours, avec les réseaux sociaux et par l’entremise de différents groupes de discussion, il est facile de glaner de l’information générale sur n’importe quel sujet et la chasse n’y fait pas exception. Sans nécessairement interagir, je suis de près plusieurs de ces groupes de discussion et c’est ainsi que je peux percevoir le pouls général des adeptes de différentes facettes de chasse, ce qui représente pour moi une base m’aidant à déterminer sur quels sujets je pourrais me pencher lors d’écriture d’articles de fond pour ce magazine et même pour ma propre page Facebook.

La chasse à l’ours est un sujet un peu mythique et j’ai ainsi remarqué au fil des ans qu’un bon nombre de chasseurs se demandent quelle est la meilleure période pour profiter des chances optimales de récolte de gros spécimens. J’ai aussi constaté qu’un grand nombre de chasseurs d’expérience recommandent la période du rut pour la récolte d’un ours mâle de forte taille, mais je ne partage aucunement cette théorie.

Je chasse l’ours depuis 26 ans en plus de guider à cette chasse depuis 15 ans, et tous les gros ours récoltés par moi-même ou par mes clients ont un point en commun. Oui, tous les gros que j’ai vus se faire récolter étaient en mode de nutrition active ! C’est-à-dire que leur principale préoccupation était alors concentrée sur la nutrition. Ma théorie n’est pas compliquée et elle a fait ses preuves : il faut chasser les gros mâles dès qu’ils commencent leur période de nutrition agressive !

Une question de digestion

Je fais ici un rappel d’un élément crucial concernant la chasse à l’ours par une explication simplifiée du fonctionnement du système digestif de l’ours à la fin de l’hiver et en début de printemps. Lorsque les ours sortent de leur tanière, ils ne sont pas en mesure de manger de grandes quantités de nourriture, car ils doivent d’abord se « purger ». C’est-à-dire qu’ils doivent faire sortir leur bouchon intestinal qui leur a permis de ne pas souiller leur tanière pendant leur hibernation et qui empêche maintenant une digestion complète normale. Pour se « purger », les ours mangent alors de jeunes tiges de plantes vertes et certains bourgeons au début, ce qui leur sert en quelque sorte de laxatif.

Une fois que leur bouchon est sorti au complet, ils peuvent commencer à manger plus intensément et rapidement et, en quelques jours, leur système digestif est revenu à son plein potentiel. C’est exactement à cette période que je récolte le plus de gros spécimens. Cette période précise est variable en fonction des régions, de la température, du niveau d’accumulation de neige l’hiver précédent et de la façon dont le printemps se déroule. Pour mieux me faire comprendre, je présente ici mes observations pour deux régions du Québec de latitudes différentes.

Région du sud du Québec

Dans cette première région du sud du Québec, comprenant l’Estrie, la Montérégie, le sud de l’Outaouais et le Centre-du-Québec au sud du Saint-Laurent, la neige quitte le sous-bois en moyenne entre la mi-avril et le début de mai. Il faut alors compter en moyenne trois semaines avant que les ours se retrouvent tout près de leur pleine capacité nutritionnelle. Pour ces latitudes, je mise donc sur des chasses dès l’ouverture de la saison printanière et je peux y récolter des gros ours jusqu’à l’arrivée du rut. Je considère que dès l’ouverture le 15 mai la chasse aux mâles grand format est très réaliste. Je crois cependant que la période la plus productive se situe autour du 1er juin jusqu’à ce que le rut débute.

Région du centre-nord du Québec

Dans ces régions, la neige quitte le sol entre le 15 et le 25 mai. Encore une fois, il faut compter de deux à trois semaines avant que le système digestif des ours n’atteigne sa pleine capacité nutritionnelle. Par contre, j’ai remarqué que, souvent pour ces secteurs, les périodes chaudes arrivent environ 50 % plus rapidement et brusquement que dans des secteurs plus au sud. Au fond, à la suite de la fonte des neiges il arrive que la chaleur s’installe plus rapidement au nord qu’à la suite de la fonte des neiges plus étirée au sud, et cela augmente parfois la rapidité de purge des ours. Bien sûr, je parle ici de mes observations sur le terrain et non de théories scientifiquement vérifiées.

En général, ces ours seront à leur pleine capacité nutritionnelle entre le 1er et le 8 juin. J’ai aussi remarqué que dans ce type de réalité, les ours de grande taille sont très agressifs pour la nourriture dès le moment où ils peuvent manger à leur faim. Je crois que l’urgence de manger se fait sentir plus fortement que pour les ours évoluant plus au sud, en raison du fait que le rut débute justement en même temps que leur pleine capacité nutritionnelle.

Le rut chez l’ours

Pour la plupart des chasseurs de gros gibiers, chasser une espèce pendant sa période de rut représente une fenêtre un peu magique ou tout rêve peut être réalisé. C’est la période que plusieurs chasseurs « croient » être la meilleure, car les mâles plus méfiants (âgés) peuvent faire des erreurs que jamais ils ne feraient en période normale. Cependant, ces mâles mangent moins, et surtout ils ne mangent plus régulièrement aux mêmes endroits. C’est là tout le problème pour les chasser efficacement, car ils parcourent alors de nombreux kilomètres à la recherche de partenaires sexuelles. 

À titre d’exemple, en 2019, j’ai guidé un client à qui j’aurais bien voulu faire prélever un ours de forte taille dont j’estimais le poids à 300 lb. La veille, sur un de mes sites, l’ours y était passé à 20 h 15 ; j’y avais donc placé mon client le soir même, mais l’ours ne s’est pas présenté au site. Le lendemain, en faisant le tour de mes différents sites, j’ai remarqué que cet ours était passé à 21 h 00 sur un autre de mes sites situé à 5 km du premier. Le soir même, j’y ai déposé mon client et encore une fois il n’a pas vu le gros ours et y il a récolté un ours de taille moyenne.

Le lendemain, en faisant le tour de mes sites pour un autre client, j’ai remarqué que mon ours trophée était passé la veille sur un autre de mes sites, mais cette fois à 6 km du deuxième site chassé. En trois soirs, cet ours avait donc visité trois sites différents sur une distance totale de 11 km entre les deux sites les plus éloignés. Croyez-vous que mon autre client a pu récolter cet ours ?... Non, il n’a pas vu mon gros ours ce soir-là lui non plus ! Le lendemain, ne sachant plus où était mon ours trophée, j’ai placé mon client au même site et ce dernier a récolté un ours de taille moyenne. 

Ce n’est que trois ans plus tard sur ce même site, le 5 juin 2021, que j’ai réussi à voir un de mes clients prélever le grand mâle en question. Durant la journée, en croisant le propriétaire de la pourvoirie sur la route, je lui avais dit que le légendaire ours trophée que nous connaissions depuis quatre ans serait récolté ce soir-là. En fait, dans les quelques jours précédents, l’ours avait collé au site comme une mouche sur une friandise sucrée et notre client Jason Laflamme a pu récolter cette bête de 288 lb éviscérée. L’ours y était arrivé depuis seulement trois jours et y avait fait de multiples allers-retours nuit et jour avant de voir sa quête interrompue par un tir précis du client chasseur. 

En période de rut, un chasseur n’ayant qu’un seul site de chasse pourrait recevoir la visite imprévue d’un mâle trophée sans même connaître son existence, mais les probabilités sont contre lui. Ce chasseur aurait avantage à chasser sur un site fréquenté par un gros ours pendant que ce dernier est fidèle au site pour s’y alimenter. De là, l’importance de disposer de plus d’un site de chasse. Moi aussi j’ai longtemps voulu croire que la meilleure période pour récolter des gros sujets était la période du rut. Mais les années m’ont clairement démontré que ce n’était pas le cas.

Ma théorie n’est pas compliquée et elle a fait ses preuves : il faut chasser les gros mâles dès qu’ils commencent leur période de nutrition agressive !

Durant le rut, chassez les sites visités par les femelles

Lorsque je guide au nord, j’ai remarqué que lors de printemps tardifs, les gros ours peuvent coller à un site pendant trois ou quatre jours consécutifs si une femelle en chaleur ou sur le point de l’être est dans l’environnement. Pour arriver à récolter de gros ours, je conseille de faire un suivi serré avec des caméras de détection. Il faut être discipliné et faire le tour des sites quotidiennement pour être informé le plus rapidement possible de l’arrivée d’un grand mâle sur un site de chasse. Ensuite, il faut le chasser immédiatement et aussi longtemps qu’une femelle y est. À la minute où cette femelle termine sa période de réceptivité, le mâle quittera le secteur et ira parcourir plusieurs dizaines de kilomètres.

Un dernier facteur me motive à chasser le plus tôt possible en juin. Les différentes plantes et autres sources de nourriture que la nature offre aux ours explosent à partir de la mi-juin. Les ours sont omnivores, mais leur alimentation est constituée à 85 % de divers végétaux. J’ai remarqué que même sur des sites bien fréquentés aux alentours du 10 juin, les ours délaissent ou ralentissent énormément leurs visites après le 20 juin. J’attribue ce fait à la grande variété de nourriture disponible dans son habitat. N’oubliez jamais qu’un ours a un domaine vital avoisinant les 200 200 km2.

En guise de conclusion

J’ai récolté et fait récolter plusieurs ours grand format. J’ai chassé et guidé toutes les dates imaginables. Mais si je dois choisir une fenêtre de jours de chasse pour de gros spécimens, j’opterai toujours pour la période où les ours commencent leur période de nutrition agressive en analysant les données mentionnées plus haut dans le texte.

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