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Le vent du nord porte aussi son nom

Le vent du nord porte aussi son nom

1 février 2021

Portrait d’un pionnier qui a marqué l’histoire de la chasse et de la pêche au Québec.

Parmi les passionnés de la nature qui ont parcouru les quatre coins du Québec et marqué l’histoire de la chasse et de la pêche, le pourvoyeur Norman Ouellette fait partie de ceux qui, par leurs valeurs, leurs passions et leurs enseignements, ont su entretenir, conserver et transmettre les richesses de la nature. 

En septembre dernier, je me suis rendu à la pourvoirie Lac du Mâle dans le réservoir Gouin afin de faire un reportage sur la pêche au doré. « Septembre c’est très bien pour la pêche », m’assure le propriétaire Norman Ouellette. « Les gens croient parfois que la saison est terminée, alors un article traitant de cette période c’est parfait ». 

La pluie abondante retarde d’une journée le décollage de notre hydravion, j’en profite donc pour discuter avec notre hôte. Il me raconte entre autres qu’à ses débuts dans l’aviation et dans l’industrie de la chasse et de la pêche, les fondateurs du magazine Sentier CHASSE-PÊCHE lui ont donné un coup de main en racontant ses aventures en tant que guide et pilote de brousse. Et quelles aventures! Ses récits captivants me plongent dans l’histoire du Nord, et les récits de ses 54 années d’expérience me permettent presque de m’y transposer. 

À ce moment, le poisson est maintenant secondaire dans mon esprit ; j’ai un nouveau sujet ! Voici donc un sur vol de l’histoire d’un pionnier du Québec, un homme qui, avant son temps, a prôné des idéologies de conservation et de symbiose avec notre environnement. Qui a eu le courage de se lancer en affaires afin de pouvoir vivre de sa passion et transmettre ses idéaux. 

La naissance d’un pourvoyeur 

Il grandit dans la nature ; dès son plus jeune âge ses parents et son oncle l’emmènent en camping et en forêt. En1967, Norman Ouellette passe un premier été au club de chasse et pêche où son oncle est le gardien en chef. C’est à ce moment qu’il a la piqûre et réalise que c’est nulle part ailleurs qu’en forêt qu’il veut exercer sa profession lorsqu’il sera grand. 

Ses parents l’encouragent dans ses ambitions: « Mes parents sont fabuleux, ils adhèrent à toutes mes aspirations et me poussent à réaliser mes projets les plus fous. Amoureux de la nature, mon père m’a inculqué très jeune le respect de l’environnement. Ma mère, enseignante, élaborait sur l’écologie et la biologie, de même que sur la fragilité de la nature. » 

Pendant quatre années consécutives, Norman passe l’été comme assistant gardien, chaque été apportant son lot d’expériences et d’aventures de toutes sortes. Entre autres, il en apprend beaucoup sur l’orignal en côtoyant les autochtones de la Manouane qui viennent rejoindre le club à l’automne pour guider. 

Son oncle est un trappeur réputé de la région de Ferme-Neuve et Norman se targue d’être son neveu et associé. Ils font de belles récoltes ensemble, et heureusement qu’il y a des photos pour appuyer leurs dires, car certaines histoires, comme celle de la semaine de 53 castors, ou encore des multiples brochets de 20 à 25 lb, seraient difficiles à croire! 

Une année, le territoire avait été envahi par des ours noirs qui venaient rôder près des camps la nuit, alimentant la crainte des touristes. « Les odeurs dégagées par les abris à poissons représentaient bien sûr un grand intérêt pour les ursidés, mais j’avais aussi commis l’erreur de leur offrir de petits lunchs ponctuels, au grand dam de mon oncle et des touristes qui logeaient au camp !Mes connaissances des ours noirs jumelées à mon imprudence m’avaient incité à les approcher à plus d’une reprise. Je leur offrais des tablettes de chocolat Aero, c’était leur préférée. L’important était de bien les observer afin de reconnaître le moment de lâcher le morceau et de prendre mes distances. » 

« Un soir, je me suis rendu compte que j’avais oublié d’attacher ma chaloupe. Je suis donc descendu vers le lac en pleine noirceur. J’ai ressenti un souffle à ma gauche, et sans que j’aie eu le temps de réaliser de quoi il s’agissait, une ombre s’est jetée sur moi. J’ai juste eu le temps de plonger dans la chaloupe avant que l’ours ne soit stoppé par l’ancrage d’un collet que mon oncle avait installé à cet endroit sans m’informer ! »

Son père, Roger Ouellette, était pilote par loisir, il aimait la nature, et l’aviation lui a permis d’en profiter pleinement. Un jour, il lui a soumis l’idée de joindre les deux passions et d’en faire un métier. « Ça a sonné une cloche », nous dit Norman. 

À l’été 1970, à 17 ans, il trappe les animaux à fourrure, sillonne en chaloupe la rivière près de la maison, et toutes ses activités sont liées au fait de se retrouver en pleine nature. L’idée implantée par son père résonne désormais de plus en plus fort dans son esprit : « Moi Outfitter?... » 

L’héritage de conservation

Norman suit son chemin et l’idée toujours grandissante de travailler en suivant ses passions le conduit à devenir pilote de brousse. Le survol des grands espaces trouve écho chez lui, il se sent pris d’affection pour les étendues sauvages du Grand Nord et les peuples qui y résident. Cette terre lui fait vivre toutes sortes d’aventures et d’émotions, une biographie complète serait nécessaire afin de les raconter avec justesse! 

Il effectue un premier voyage de chasseau caribou comme pilote en 1973. Puis, en 1975, un contrat pour le gouvernement lui fait parcourir le nord du Québec tous azimuts. Il forme alors une équipe avec un agent de la faune et un agent de la GRC, puis les trois sillonnent ensemble des milliers de kilomètres afin de trouver des camps de ravitaillement clandestins et retracer des occupants illégaux. 

Il vit des expériences incroyables et inoubliables dans le Grand Nord. Il pilote différents types d’avions, selon la taille des groupes et les moments de sa carrière. Il visite des camps satellites pour les avions, les tipis du chemin des nomades, des villages autochtones, tellement de lieux différents qui le fascinent et le façonnent au cours de dizaines d’expéditions. 

Ce sont aussi des rencontres humaines qui lui laissent des souvenirs impérissables. Comme les deux Américains qui deviennent ses amis au fil des excursions échelonnées sur 29 ans, les familles cries avec lesquelles il tisse des liens d’amitié, les étrangers de différentes nationalités recherchant l’aventure et le dépaysement des terres sauvages. 

Mais il assiste aussi à l’envers de l’humanité. Des entrepreneurs sans scrupules qui exploitent les ressources dans un esprit strictement mercantile, des insouciants qui abandonnent des produits dangereux dans l’environnement pour ne pas avoir à les récupérer, des amateurs de chasse et de pêche qui ont plus d’intérêt pour les provisions de leur congélateur que pour la nature ou pour vivre des moments mémorables. 

Ce sont aussi des peuples qui cohabitent mais qui se bousculent et se disputent. Des décisions prises par les instances avec des objectifs bien précis et pas toujours avoués. Il perd d’ailleurs des investissements et des actifs lorsque certaines décisions sont prises sur les caribous du nord.

Cela ne fait que renforcer les motivations de Norman à devenir entrepreneur : son amour des grands espaces, son désir de vivre et de faire vivre des moments inoubliables et des expériences marquantes prend le dessus. Ses convictions l’amènent à posséder plusieurs entreprises et à y impliquer sa famille. 

Ses valeurs et son amour de la nature reçus de ses parents et de son oncle, il les transmet à ses cinq enfants. Trois de ses garçons deviennent pilotes de ligne et donnent un coup de main dans l’entreprise familiale lorsque leur horaire le permet. Le quatrième, Jesse, est pilote et associé, il travaille à temps plein dans l’entreprise. Amant de la nature, mais surtout passionné d’aviation, son garçon Noah de 12 ans poursuit la tradition et sait d’ailleurs déjà faire décoller un avion ! 

Norman conserve toujours son franc parler et n’hésite pas à intervenir ou à s’impliquer, que ce soit durant ses 21 ans comme président de la Fédération des pourvoiries, sa présence parmi les 19 invités de la table de concertation du Plan Nord, ou encore, par le partage de ses valeurs et de ses idéaux aux milliers de personnes qu’il rencontre sur sa route. Il a contribué à faire évoluer positivement le modèle québécois de chasse, de pêche et de conservation de la ressource. 

Notre pêche, plus que du poisson 

Quarante-cinq ans après la parution dans ce magazine d’un premier article sur Norman Ouellet qui s’intitulait « La naissance d’un pourvoyeur », j’ai le privilège de raconter le parcours de l’homme et de visiter une de ses pourvoiries, le Lac du Mâle. L’heure de vol nécessaire pour atteindre le site nous offre des paysages magnifiques, des forêts et des lacs à perte de vue et une nature dans toute sa splendeur. Nous avons reçu un accueil chaleureux de toute l’équipe, Norman et son garçon Jesse au départ, puis Daniel Côté et sa femme, Louise Charron, une fois arrivés sur place. Les sept chalets de la pourvoirie offrent toutes les commodités qu’on peut souhaiter, et l’emplacement est enchanteur et sauvage. 

Daniel nous donne tous les conseils nécessaires: les emplacements des fosses, les techniques à préconiser ainsi que les leurres recommandés. En naviguant la chaloupe à reculons nous sommes en mesure de patrouiller avec aisance dans les fosses, peu importe la présence du vent et des vagues. Une des stratégies de pêche qui a le mieux fonctionné est l’utilisation du marcheur de fond avec un harnais à doré et un ver, et plusieurs couleurs ont fonctionné selon les moments. 

La technique qui a été le plus efficace est celle que nous a enseignée mon père Sylvain et mon oncle Léon. Elle est facile à utiliser et nous donne de bons résultats lors de nos sorties sur le lac Saint-Jean. Avec cette approche, le ver est parallèle au fond, à la bonne hauteur pour les dorés qui se tapissent dans les fosses. Un lever doux et progressif de a canne permet de sentir s’il y a une résistance et si un doré a aspiré votre ver. Dans ce cas, un ferrage rapide est de mise afin d’éviter que le poisson ne recrache le ver. 

Nous avons capturé plusieurs spécimens de bonne taille et l’action était au rendez-vous chaque jour. À l’image des valeurs de Norman, ce n’est pas seulement de la pêche que nous avons retrouvée dans notre voyage. Mon frère et moi avons vécu un séjour extraordinaire que nous garderons gravé dans nos souvenirs. Se retrouver en bonne compagnie, dans un décor magique en vivant un moment ensemble, c’était tout simplement parfait. 

Le cadeau à une génération 

Norman Ouellette a eu le courage de se lancer en affaires et de vivre de ce qu’il aime, avec l’appui important de sa famille. Il aimerait d’ailleurs lancer un message aux jeunes : « Je les encourage à pourchasser leurs rêves, à travailler dans ce qui les passionne et à se lancer dans l’entrepreneuriat afin de créer ce qu’ils désirent. Ça en vaut la peine ! » 

Ce qu’il y a de plus beau chez les amoureux de la nature, c’est qu’ils lèguent à la génération suivante la conscience de la place que nous avons dans l’équilibre du monde. Prélever à la nature n’est qu’une action qui, en toute humilité, nous fait prendre notre petite place dans sa grandeur. 

Amoureux de l’histoire du Canada, et du Nord en particulier, Norman Ouellette aura vibré à suivre les traces de Mackenzie, des explorateurs du passage du Nord-Ouest, des missionnaires et des coureurs des bois. Il raconte ces épopées autour des feux de camp depuis toujours. Maintenant, le vent du Nord porte aussi le nom de Norman Ouellette en évoquant ces aventuriers qui ont forgé l’histoire ! 

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