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La chasse hivernale du lièvre

La chasse hivernale du lièvre

Rémi Ouellet
1 février 2021

La poursuite hivernale du lièvre n’est pas toujours facile, mais elle est rarement dénuée d’action…

Si vous aimez les défis, je vous invite à relever celui de la chasse du lièvre en raquettes sur la neige. Dans toutes nos activités, la plupart d’entre nous avons tendance à aimer la facilité. C’est tout à fait normal et la chasse n’y échappe pas. La preuve en est que nous allons habituellement chasser la perdrix sur les sentiers forestiers et les routes de gravier en véhicule. 

Je crois que si la chasse du lièvre est peu populaire par rapport à la chasse à la perdrix, c’est probablement parce que ça demande plus d’efforts. Il faut sortir des sentiers battus, débarquer du pick-up, descendre du VTT et chausser des raquettes. Il faut s’attendre à suer, mais également à avoir du plaisir. D’ailleurs, un de mes amis disait que toute la volupté de la chasse réside dans le fait de vaincre les difficultés. Quand c’est trop facile, c’est fade, ça manque de sel… 

Reconnaître le territoire du lièvre 

Pour obtenir du succès à la chasse au lièvre en hiver, il n’y a pas de secret ; ou plutôt, oui il y en a un : la prospection ! Connaître les besoins du léporidé est la clé de la réussite. Le domaine vital du lièvre est relativement restreint. Il se situe entre 8 et 20 acres (3,2 et8 hectares), dépendamment de la zone et du couvert forestier où il vit. Lors de recherches, les biologistes ont constaté que des lièvres recapturés la même année l’ont été à moins de 100 mètres du site de la première capture. 

À l’instar des autres petits gibiers, comme la gélinotte huppée et la bécasse, notre porteur de longues oreilles évolue sur un petit territoire constitué d’une jeune forêt mixte en régénération. Le lièvre ne se construit pas d’abri, il occupe plutôt des places toutes faites qui lui procurent un abri relatif. Une grosse branche basse de conifère, un buisson dense chargé de neige, ou un tas de branches coupées lui suffisent. 

J’entends souvent des adeptes dire :« Je vois beaucoup de pistes et des sentiers, mais je ne vois jamais les lièvres. » Rappelez-vous que vous devez voir le gibier qui est au sol, et parfois il est loin. En plus, en hiver le lièvre est plus blanc que blanc sur la neige. Exercez-vous à balayer lentement du regard l’espace autour de vous pour discerner l’anomalie, un mouvement subtil, une courbe inhabituelle, ou un point noir qui vous guette : l’œil du lièvre ! 

Ne chassez pas directement dans les résineux, c’est trop dense et vous n’y verrez rien. Chassez plutôt dans les dégagés, sur le pourtour des ouvertures et des trouées...  Allez dans les jeunes plantations de résineux, là où il y a toujours des buissons à feuilles caduques, tels que l’aulne, le cornouiller sanguin ou l’aubépine. Les jeunes conifères lui servent alors d’abri et les buissons feuillus de garde-manger. Une fois que vous avez découvert une place propice, cherchez les indices de sa présence, comme des tas de crottins et des petites tiges rongées, là où il y a beaucoup de pistes et des sentiers de lièvre, pour ensuite établir la stratégie de chasse. Dois-je rajouter que le lendemain d’une chute de neige est idéal pour bien voir les pistes fraîches. 

Des lièvres il y en a partout au Québec, et en hiver il est facile d’évaluer la population d’un couvert simplement en regardant les pistes, les tas de crottins, les rongés et les sentiers bien balisés indiquant qu’ils sont souvent fréquentés. Ces sentiers de lièvres relient un site de nourriture à un site de repos. Une aulnaie touffue ou un jeune peuplement de peupliers est un bon garde-manger, tandis qu’une plantation de résineux d’une dizaine d’années constitue un excellent abri. Si vous êtes chanceux, quand il y a des tas de débris de coupe, des tas de branches ou un arbre tombé, vous pourrez souvent y déceler des pistes qui mènent dessous, et c’est un des moments les plus palpitants pour un chasseur. 

Un gibier fugitif 

Poursuivre un lièvre en raquettes sur la neige est très exigeant. Le petit animal est prompt à se sauver, il va vite et il a toujours plusieurs longueurs d’avance sur vous. C’est ici qu’il faut tenter de prévoir par où il va passer pour l’intercepter. J’avoue que parfois c’est facile, mais souvent c’est difficile. C’est de la véritable chasse! Le plaisir que cette chasse procure est immense et quand vous réussissez à en tirer un, c’est le bonheur. 

En février, mes copains et moi l’attendons toujours avec impatience, et là elle y est. Si vous me demandez : « Mais, qu’est-ce que vous attendez comme ça ? », je vous répondrai : « La neige pardi ! » Eh oui, mes copains et moi attendons que la couche de neige soit assez épaisse pour chasser le lièvre. Nous effectuons alors des battues marchantes en raquettes sur la neige, et plus il y en a, plus c’est facile, parce que nous pouvons accéder à des boisés très denses. C’est là que vivent les lièvres! 

Il s’agit de dénicher un terrain où le léporidé trouve abri et nourriture. Le lièvre a besoin de deux choses : un couvert de conifères pour s’abriter et des feuillus pour se nourrir. Les deux places sont reliées par des sentiers larges et profonds, bien visibles sur la neige en hiver. 

La chasse en battue est simple et relativement facile. Quand on a trouvé le couvert qui leur sert d’abris, il faut les en déloger. À deux, trois ou quatre chasseurs, il faut établir une stratégie pour rabattre les lièvres en fuite vers l’un ou l’autre des chasseurs. Il faut progresser lentement à une distance permettant de voir son voisin. Il va sans dire que le tir s’effectue toujours devant ou derrière, jamais latéralement. 

Beau temps mauvais temps, on chasse ! 

Selon le bulletin météo, il ne devait pas neiger ce matin. Mais comme ça arrive souvent, il neige et il y a un couvert nuageux. Ce sont les pires conditions pour courir après le lièvre en hiver, parce que sans soleil il n’y a pas d’ombre pour aider à discerner les reliefs du terrain et les lièvres. Qu’à cela ne tienne, nous avons chassé quand même, et nous en avons levé quatre ou cinq ; des bombes ! Ils se sauvent très loin devant à une vitesse hallucinante ! Il faut anticiper par où ils vont se défiler et être constamment en alerte, et vite sur la gâchette. Nous en avons tué deux en moins d’une heure. Un véritable plaisir cette chasse et c’est très sportif ! 

Lorsque la neige est bien installée en février, les raquettes sont bien sûr indispensables pour pénétrer dans les repaires de lièvres.  Une fois que vous avez découvert un endroit propice, cherchez les indices de la présence du gibier, comme des tas de crottins et des rongés, là où il y a beaucoup de pistes et des chemins de lièvres, pour ensuite établir la stratégie de chasse. L’auteur aime bien les fusils à bascule pour leur aspect sécuritaire (il est facile de vérifier l’intérieur des canons d’un rapide coup d’oeil pour voir s’il y a de la neige). De plus, ils sont compacts et facilitent le tir d’un gibier en mouvement.

Le mercredi suivant, nous planifions une chasse de rabattage avec tireur posté. Le vortex polaire ayant fait son chemin, nous bénéficions d’une belle journée pour courir les lièvres. Un ciel d’azur et la mince couche de neige de la nuit nous ouvrent une page du livre de la nature laurentienne. Nous sommes sur un terrain que nous n’avons pas visité depuis plusieurs années. Il n’y a pas beaucoup de pistes de lièvres, ni de chevreuils et pas du tout de coyotes; une seule trace de renard. Selon la littérature, les cycles d’abondance des lièvres et des gélinottes sont parallèles à celui de leurs prédateurs. C’est tout à fait logique, parce qu’il n’y a pas de trace du canidé mal aimé. 

Dans la vallée du Saint-Laurent, sur le territoire agroforestier, ce n’est pas le lynx mais le coyote qui abonde en même temps que les lièvres, et cette année ils sont rares. Il y a quand même quelques pistes de léporidés qui entrent dans une plantation de résineux d’une dizaine d’années. David se place à une extrémité, là où les petits sentiers relient le massif de jeunes épinettes à l’aulnaie, tandis que je contourne la plantation pour éviter jusqu’au bout d’alerter les léporidés qui y sont cachés, pour enfin rentrer dedans en faisant du bruit de manière àr abattre le gibier vers le guetteur posté. 

Photo chasse

Je marche difficilement dans de foutues broussailles enneigées quand je lève un lièvre qui disparaît aussitôt sous le couvert. Je poursuis ma progression pour le pousser vers David qui attend sans bouger. J’avance lentement en me baissant pour tenter de voir sous le couvert, et de cette manière je vois plus loin. À deux reprises, je vois brièvement le lièvre qui ne semble pas inquiet de ma présence. Il a raison, car je marche péniblement en équilibre précaire sur la neige molle qui défonce à chaque en jambée. Je fais deux ou trois zigzags en faisant du bruit, quand soudain j’entends un coup de fusil sans écho, étouffé par la neige. 

« Il y est ?... » « Oui ! » Il sera le seul de la partie. Et comme deux heures de marche laborieuse en raquettes dans la neige molle ça tire sur la cuisse, nous rentrons satisfaits de la manœuvre qui a encore une fois réussi. 

Vêtements, raquettes et armes à feu 

À la question « Comment se vêtir pourchasser le lièvre en hiver ? », je réponds :« Pas trop ! » Comme pour jouer au hockey ou faire du ski de fond, adoptez des sous-vêtements techniques qui évacuent l’humidité de la transpiration. Évitez le coton qui garde l’humidité et donne froid. Portez par-dessus un polar ou un softshell, en plus du dossard. Lamarche en raquettes exige beaucoup d’énergie qui occasionne la transpiration, l’ennemie du sportif en hiver. Les vêtements appropriés vous éviteront de geler en vous gardant au sec. 

Tous les types de raquettes peuvent être utilisés pour courir après les longues oreilles en hiver, mais les raquettes modernes en métal et en matière plastique sont géniales. Les traditionnelles fabriquées en bois et tressées en barbiche sont toutefois meilleures en mars, sur la croûte, parce qu’elles sont plus silencieuses et plus légères. 

Parmi les adeptes de la chasse fine en solitaire, il y a des inconditionnels de la carabine de petit calibre .22 LR qui permet un tir propre et précis à la tête. Personnellement, pour le tir d’un gibier en mouvement je suis un fan de fusils. Dans cette optique, une arme à canons jumelés avec mécanisme à bascule offre plusieurs avantages, et en premier lieu un aspect plus sécuritaire parce qu’elle permet une vérification facile de l’intérieur des canons d’un rapide coup d’œil. N’oublions pas qu’en hiver, sous le couvert il y a de la neige partout au sol et sur les branches et qu’il est facile d’obstruer les canons. 

Pour les étranglements, j’opte pour une ouverture maximale. L’étranglement cylindrique me donne la possibilité d’un tir instinctif sur un lièvre en pleine course qui n’apparaît souvent qu’une seconde. 

Pour conclure, j’ajouterais que le fait de relever le défi de la chasse du lièvre sur la neige est une bonne manière d’initier un jeune chasseur et de préserver une tradition bien québécoise, tout en permettant d’étirer notre saison de chasse jusqu’à la fin du mois de mars.

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