Après plusieurs années à traquer le maskinongé, l’auteur nous fait part de ses observations et tente de répondre à cette question délicate.
La pêche au maskinongé est une activité difficile qui, surtout dans les premiers temps, exige des pêcheurs énormément de patience et de persévérance, pour espérer prendre ne serait-ce qu’un poisson. Il est alors compréhensible que ces derniers veuillent mettre dès le départ toutes les chances de leur côté pour optimiser leur temps de pêche. Bien souvent, la technique de pêche à la traîne constitue la première arme des pêcheurs de maskinongé débutants. Ils espèrent ainsi couvrir plus d’eau et augmenter leurs chances de croiser le fer avec ce formidable prédateur.
Pour ma part, pour être tout à fait objectif, je dois le confesser, depuis mes débuts avec ce poisson j’ai toujours été un adepte de la pêche au lancer. Mais je dois avouer également que la raison de base n’est pas forcément liée à l’efficacité de cette technique, mais principalement au plaisir que procure la prise de contact direct des attaques soudaines de cette espèce, quelques fois très près de l’embarcation. Depuis, j’ai aussi été initié à la pêche à la traîne, qui s’est avérée beaucoup plus technique que ce que je pensais, et qui a pu prouver son efficacité à maintes reprises. Alors, doit-on pêcher au lancer ou à la traîne ? Ou plutôt, dans quelles circonstances une technique peut prévaloir sur l’autre ?…
Avantages de la pêche au lancer
Tout d’abord, on pêche souvent au lancer parce que c’est plaisant ! C’est tout de même un bon argument. Pour ma part, si on me laisse le choix de prendre un maskinongé au lancer ou trois à la traîne, je vais choisir la première option, simplement parce que mon plaisir est décuplé avec cette technique. Rien ne vaut pour moi la vue d’un maskinongé qui engloutit mon leurre ou le moment fatidique où la course de mon leurre est brutalement interrompue par une attaque puissante et féroce. Ces moments restent gravés dans ma mémoire de pêcheur.
Je pêche aussi beaucoup le maskinongé en kayak et c’est la méthode la plus adaptée pour moi, bien que la pêche à la traîne reste possible avec ce type d’embarcation, notamment avec ceux à pédales qui sont plus adaptés pour cela. Si vous pêchez en kayak, vous pourrez relire l’excellent article de Guy Lafrenière dans l’édition du mois de mars 2023, il pourra vous aider dans le choix d’une embarcation adaptée à votre style de pêche, toutes espèces confondues.
Mais si on laisse de côté l’aspect émotionnel de cette technique, elle procure aussi des avantages techniques qui peuvent grandement contribuer au succès de pêche ! Premièrement et c’est bien logique, la pêche au lancer est plus précise. On peut aller chercher les maskinongés directement dans leur habitat, tel un tireur d’élite, en lançant sur le secteur précis (pointe d’un haut-fond, dénivellation, pointe de roche, herbier, etc.) où un poisson peut être embusqué. Si le secteur est dans une zone peu profonde (inférieure à six pieds par exemple), celle-ci n’est bien souvent pas pêchée par les adeptes de la pêche à la traîne qui ont bien entendu peur, à juste titre, pour leur pied de moteur.
Ces poissons « bonus » sont donc bien souvent « pêchables » uniquement au lancer. Muni de votre moteur électrique, vous pourrez ainsi arpenter ces zones peu profondes délaissées par les pêcheurs à la traîne, ce qui est bien souvent très payant, notamment au début de saison et en plein été. Les bucktails, leurres de surface à hélice, les spinnerbaits et même les leurres de type glider que l’on fait évoluer au ras de la surface sont mes leurres favoris pour ces zones peu profondes. Pour ne rien gâcher, les attaques sont bien souvent soudaines et spectaculaires.
L’activité du poisson est aussi un facteur déterminant qui peut avantager la pêche au lancer. En effet, si un poisson actif peut détecter et charger une proie à plusieurs dizaines de mètres de distance, il en est tout autrement lorsque celui-ci est dans une période plus amorphe. Lorsqu’il est inactif, la zone d’attaque du maskinongé est fortement réduite, parfois à quelques centimètres de sa gueule. C’est-à-dire que si votre leurre passe à une plus grande distance du poisson, celui-ci ne daignera même pas sortir de sa cachette. Sachant que le maskinongé peut rester plusieurs jours sans s’alimenter dans cet état semi-léthargique, ce sont de nombreux poissons qui peuvent être difficiles à cibler à la pêche à la traîne, bien que ça soit possible également, mais dans une moindre mesure.
La pêche au lancer est plus précise. On peut aller chercher les maskinongés directement dans leur habitat, en lançant sur le secteur précis où un poisson peut être embusqué.
Plus grandes possibilités d’adaptation
Dans ces situations difficiles, la pêche au lancer permet d’adapter rapidement plusieurs paramètres qui peuvent avoir un réel impact, en premier lieu le type de leurre. Le choix de leurres pour la pêche au lancer est plus grand et permet de varier les approches ; on peut choisir des leurres durs, souples, de surface, hybrides et varier ainsi les vibrations ainsi que le signal envoyé au prédateur. Deuxièmement, la vitesse de récupération permet une plus grande polyvalence. Lorsque l’approche doit être très lente, la pêche au lancer possède un net avantage sur la pêche à la traîne.
La pêche au maskinongé est une pêche dogmatique. À mon sens, certaines méthodes ont pris trop d’importance par rapport à d’autres mises de côté car peu utilisées. Une erreur souvent commise par les pêcheurs de maskinongé débutants est de tenir pour acquis qu’il faut toujours faire évoluer son leurre à des vitesses élevées. S’il est vrai qu’en plein été, cette approche peut être payante, il en est tout autrement dans certaines situations, notamment à l’automne et aussi pour les poissons trophées. Les gros maskinongés, et il faut entendre aussi ici les vieux maskinongés, sont moins enclins à s’attaquer à des proies s’enfuyant à vive allure, préférant les proies plus faciles leur permettant de conserver leur énergie.
À l’automne, on a pu aussi remarquer dans notre groupe de pêcheurs une nette tendance à l’augmentation des captures à la mouche par rapport aux autres techniques. Bien souvent, dans le bateau, il y a un pêcheur au bucktail, un au leurre souple (par exemple un tube), un au glider et un à la mouche. À l’automne, c’est bien souvent l’efficacité de la mouche et du leurre souple qui sortent du lot. Pour ce dernier, il peut s’avérer redoutable en pêchant lentement, comme si on le dandinait pour le doré ou en grattant le fond pour déclencher les poissons peu actifs. Les leurres souples de type shad ou tube gros format sont aussi très payants à ce petit jeu ! Concernant la pêche à la mouche, cette présentation lente et planante, ponctuée de tirées énergiques est extrêmement efficace à cette période de l’année. Plus que n’importe quel autre moment de la saison, c’est à l’automne que notre moucheur attitré dans le bateau nous fait la barbe. Je pense que bon nombre de ces poissons pris avec une approche très lente n’auraient pas pu être pris à la traîne.
Un autre avantage de la pêche au lancer est de pouvoir utiliser des temps de pause, qui sont très payants durant toutes les périodes de l’année. En alternant récupération énergique et temps de pause de quelques secondes, on peut réussir à déclencher l’attaque de certains poissons difficiles.
Inconvénients de la pêche au lancer
Pourtant, la pêche au lancer peut aussi comporter des inconvénients. Tout d’abord, et c’est à mon sens le plus important, la pêche au lancer limite la superficie de plan d’eau prospectée. Certaines journées, le poisson est plus difficile à localiser, notamment pendant les périodes de transition au début de l’automne, où les maskinongés quittent leurs repaires estivaux pour se diriger vers leurs repaires automnaux. Dans ces moments-là, lorsque l’on pêche au lancer, on peut facilement perdre trop de temps sur certaines structures qui ne nous apporteront pas de poissons et finir la journée complètement bredouille.
Deuxièmement, en période estivale la pêche au lancer ne permet pas d’obtenir une vitesse de récupération suffisamment rapide pour certaines situations où la grande vitesse de déplacement du leurre représente l’élément clé pour déclencher une attaque. Enfin, même si c’est un aspect plus pratique, la pêche au lancer au maskinongé, utilisant de gros leurres, est très exigeante physiquement, encore plus pour les adeptes de pêche à la mouche. Elle est dure sur le corps et nécessite bien souvent quelques pauses dans la journée si on ne veut pas se blesser. Et un temps de pause au musky, ça peut être synonyme de poisson manqué !
Qu’en est-il de la pêche à la traîne ?
Avant toutes choses, pour bien profiter de la pêche à la traîne, il est aussi nécessaire d’en connaître les subtilités pour pouvoir en tirer la quintessence. Il est bien évident que de faire des lignes de traîne au hasard, avec une vitesse constante et de manière rectiligne, n’est pas vraiment ce qu’il y a de plus productif.
Il faut premièrement avoir le « nez sur le sonar » pour pouvoir passer au plus près des zones propices. L’utilisation adéquate des leurres est aussi essentielle. Vous devez apprendre à connaître précisément leur profondeur de plongée en fonction de la longueur de ligne sortie du moulinet. À cet effet, un compteur de ligne est plus que recommandé à la pêche du maskinongé à la traîne, comme c’est le cas avec les autres espèces.
Variez également la profondeur de vos leurres en fonction de la zone pêchée. Par exemple, si vous longez une dénivellation, vous allez mettre un leurre à faible plongée du côté de la zone peu profonde et un leurre plus plongeant dans la zone plus profonde de l’autre côté du bateau. Si vous êtes sur une zone d’herbiers parsemés (par exemple, des massifs de potamots), il est préférable de pouvoir passer au plus près de ces derniers, et ainsi des maskinongés, où vous pourrez chatouiller les narines des poissons moins actifs afin de déclencher des attaques par réflexe ! Autre élément d’importance, le fait de traîner en « zig zag » fera varier à la fois la direction et aussi la vitesse de vos leurres ; ceux situés à l’extérieur de la courbe iront plus vite et ceux à l’intérieur de la courbe ralentiront. Variez aussi les vibrations ! On utilise souvent des leurres à bavette qui sont bien entendu très efficaces, mais vous pouvez utiliser également un spinnerbait ou un chatterbait gros format dans les secteurs peu profonds.
Dernière chose, si vous êtes assez nombreux dans le bateau, n’oubliez pas de mettre une canne dont le leurre nagera dans le bouillon du moteur, soit à environ 10 pieds juste derrière et au centre de l’embarcation. Les turbulences provoquées par l’hélice du moteur peuvent en effet désorienter des proies et le maskinongé, loin d’être effarouché par tout ce boucan bien présent dans les plans d’eau très fréquentés par les bateaux, peut voir ça comme une opportunité de se nourrir en dépensant moins d’énergie. Soyez également vigilant : vos leurres doivent toujours « travailler » et ne pas être recouverts de végétation. Vous pourrez vous en apercevoir aux vibrations produites dans la canne ou visibles au niveau du scion.
Bien entendu, on peut tirer avantage des deux techniques en les combinant. Lors d’une journée de pêche, on peut alterner entre ces deux techniques pour maximiser nos chances.
Des avantages particuliers
Avec l’ensemble de ces paramètres bien maîtrisés, la pêche à la traîne peut avoir de nombreux avantages par rapport à la pêche au lancer, et même atténuer les désavantages liés au manque de précision, sans pour autant être aussi efficaces à mon sens que le lancer sur ce point. Bien entendu, l’avantage le plus évident est la superficie pêchée. Sur de grands plans d’eau où les maskinongés peuvent être éparpillés et difficiles à localiser, c’est un net avantage de couvrir le plus de terrain possible. C’est la même chose pour des plans d’eau que vous connaissez peu, vous pourrez ainsi prospecter les zones prometteuses et les marquer d’un repère GPS, tout en pêchant et en gardant les yeux rivés sur votre échosondeur. C’est aussi le cas lorsque les maskinongés sont pélagiques (c’est-à-dire en suspension dans la colonne d’eau), une situation qui survient en fonction de la saison ou du type de proies disponibles dans le plan d’eau.
Bien entendu, on peut tirer avantage des deux techniques en les combinant. Lors d’une journée de pêche, on peut alterner entre ces deux techniques pour maximiser nos chances. Mon mentor et ami Jean-Pierre Cloutier utilise d’ailleurs un terme que j’aime bien et qui résume tout (il appelle ça faire du run and gun). Le principe est simple : il faut concentrer nos efforts sur les structures connues où il y a une bonne densité de maskinongés et/ou sur les structures non accessibles à la pêche à la traîne mais qui ont un fort potentiel.
Il faut cependant se discipliner et ne pas insister outre mesure ! Et c’est plus facile à dire qu’à faire, parce qu’on peut parfois passer du temps à peigner chaque centimètre carré d’une zone qui se révélera improductive. Il faut se donner un plan de match (nombre de lancers ou temps passé sur la zone) et s’y tenir. Lorsque l’on pense avoir bien passé la zone au peigne fin, on peut s’aligner sur une autre structure intéressante, mais en y allant à la traîne cette fois-ci et en empruntant des corridors que l’on pense pouvoir abriter notre ésocidé tant recherché (par exemple, de grandes zones de plateau avec du potamot trop longues à couvrir au lancer, le long des talus avec un herbier, etc.). On recommence ainsi de suite jusqu’à avoir épuisé les secteurs intéressants dans la zone pêchée.
Cette méthode est particulièrement payante lorsque l’on est dans une période de transition, par exemple à la fin de l’été et au début de l’automne, moment où les poissons migrent dans des zones différentes pour suivre leurs proies. Ils sont parfois difficiles à localiser à cette période. et en procédant ainsi, on peut faire des passes de traîne dans des zones entre les secteurs estivaux et les secteurs automnaux pour augmenter nos chances de les trouver. Enfin, si on a vu des poissons au lancer sans réussir à les convaincre, on peut y retourner à la traîne rapide pour tenter de les faire réagir !
J’ai tâché d’être le plus objectif possible, mais vous l’aurez compris, la pêche au lancer reste pour moi le summum de la pêche au maskinongé. Le contact direct avec le leurre et la décharge ressentie dans le bras à la touche ont quelque chose de magique que je retrouve difficilement à la pêche à la traîne. Cependant, force est de constater que mettre de côté la pêche à la traîne n’est pas souhaitable non plus si on veut gagner en efficacité, si c’est le but recherché bien entendu ! Finalement, les deux méthodes ont leur place, pour peu de les utiliser à bon escient !